Le prix FELIWAY 25 ans

Nana ne parle pas français, c'est bien ma chance. Elle parle "miaou" et cela provoque des quiproquos importants. C'est pourquoi je me suis attelée à l'apprentissage de sa langue et m'exerce sur les chats du quartier afin d'observer leur réaction qui est malheureusement souvent celle de s'enfuir. Je viens de la recevoir, elle a 8 ans environ et ayant été abandonnée avait été recueillie par une voisine qui après l'avoir très bien soignée mais ne pouvant la garder avait cherché à la faire adopter.
Nous nous sommes rencontrées, je lui ai tendu la main, elle m'a tendu la patte. Joie, bonheur et tendresse ont suivi.
Lors de son arrivée, craintive mais courageuse Nana a inspecté tout l'appartement, a tout reniflé ce qui m'a un peu ennuyée car à cause du covid, la dame "Titre Service" ne vient plus puis a jeté son dévolu sur mon fauteuil, celui que j'utilise pour dormir en regardant la télévision. Usant de beaucoup de diplomatie et sacrifiant un bon coussin elle a daigné en accepter un autre.
Durant la nuit réveillée par une cavalcade, j'ai aperçu Nana pourchassant des intrus invisibles à mes yeux. Miaulements dont l'un s'est transformé en une espèce de feulement me transportant illico dans les steppes d'Asie ou j'ai enfin pu entrevoir l'ennemi semblable à un bouchon de bouteille de champagne se rouler à terre, tressauter, se cacher dans les plis d'un rideau puis se planquer sous une armoire hors d'atteinte de son prédateur ramenant ainsi le calme.
Visite de la vétérinaire.
Depuis la visite de la vétérinaire, Nana m'en veut pour ce qu'elle considère être un acte de haute trahison. Avoir introduit chez elle , (j'ai oublié de signaler que mon appartement appartient désormais à Nana) à son insu une personne étrangère qui s'est permis de lui couper les griffes, d'examiner ses oreilles, ses yeux, son pelage et a osé dire que Nana devrait suivre un régime pour perdre un peu de poids a été un véritable crime de lèse majesté. Notre lune de miel en a pris un sacré coup d'autant plus grave que Nana a trouvé dans le thon dont elle raffole des minuscules morceaux blancs d'un vermifuge prescrit qu'elle a réussi à isoler. Je me suis sentie mal, perfide, empoisonneuse et pour me faire pardonner j'ai fabriqué une boule avec un peu de laine rouge. Cela a intrigué Nana qui s'est empressée de l'envoyer en l'air puis en dessous d' une armoire sous laquelle à plat ventre je la récupère observée par son regard intéressé et miséricordieux.
C'est moi Nana.
Je profite d'u moment d'inattention de ma mamy pour vous écrire ce mot. Je suis tracassée, je devrais même dire inquiète car elle se comporte dans mon appartement comme si elle était chez elle. C'est ainsi que malgré le froid glacial de décembre, elle a ouvert toutes les fenêtres pour "purifier l'atmosphère" comme elle dit et ayant attrppé un bon rhume il a fallu appeler un médecin. Mais ce n'est pas son docteur habituel qui est venu, un homo sapiens donc, mais un extra -terrestre casqué, lunetté, botté, ganté et tout de blanc vêtu. C'était tellement effrayant que je n'ai même pas trouvé la force de courir me réfugier sous le canapé mais suis restée aplatie dans ma couchette tout en surveillant ce qui se passait. Avec effroi j'ai vu le cosmonaute enfoncer une longue tige avec laquelle cela aurait été assez gai de jouer dans les narines de ma mamy qui n'a pas essayé de s'échapper, ne s'est pas débattue et n'a ni griffé ni feulé. Elle m'a vraiment déçue. Ce n'est pas à moi qu'on ferait cela. Ayant terminé, le cosmonaute a commencé à se déshabiller et là j'ai été vraiment inquiète. Heureusement il s'est arrêté sitôt enlevé son déguisement qu'il a précautionneusement placé dans un sac poubelle avant de partir. Lorsque j'ai voulu renifler le sac poubelle, mamy s'est fâchée et l'a caché comme s'il était dangereux. Le lendemain après avoir reçu un appel téléphonique le sac ne semblant plus dangereux a rejoint ses collègues dans leur cagibi. je ne comprendrai jamais ces humains.
Ensemble nana et moi coulons des jours heureux.
Pour moi, la journée se passe en travaux ménagers pendant que Nana se la coule douce allongée et bien au chaud prés du radiateur.
Le soir nous regardons la Télévision, parfois je m'endors mais jamais Nana.
Quand devant sortir, je m'absente trop longtemps Nana boude, me tourne le dos, ne prétend pas bouger malgré mes sollicitations et me regarde avec reproche.
Il m'a semblé voir Nana boiter.
Nana semble fatiguée, elle dort beaucoup et n'est plus intéressée par les jeux d'ombre et de lumière que nous faisions ensemble le soir avant d'aller dormir. Peut-être est-ce du au changement de saison mais je préfère appeler la vétérinaire et l'annonce à Nana lui disant bien de ne pas avoir peur. Elle me regarde et semble me dire "tu y crois toi que tout ira bien?" Je suis triste et ne sais pourquoi.
En effet Nana est gravement malade. Elle souffre d'une leucote féline et n'a plus pour très longtemps à vivre.
La nuit suivante Nana semble très mal et j'appelle une voisine qui vient immédiatement m'aider de ses conseils, de son expérience, de sa gentillesse. Mardi à 10 heures, sous mes caresses, Nana part pour toujours sur la pointe de ses petites pattes blanches.
Je lui avais tendu la main, elle m'avait tendu la patte. Nana repose a présent sous un arbre dans la belle forêt ardennaise emportant avec elle un morceau de tissu m'appartenant et dans son cœur tous nos bonheurs partagés. Adieu petite Nana.